Si l’Amérique a le baseball et le jazz, les Astros ont le baseball et Limoges. Ce n’est pas la même musique mais ça swingue tout autant. Car ça balance pas mal à Limoges et bizarrement comme au jour du solstice d’été, nos étoiles sont au plus haut une fois par an en cette occasion !
On me l’avait raconté mais je ne le croyais pas. J’avais beau faire partie de la constellation depuis des années, jamais je n’avais eu l’occasion de voir cet étrange évènement où comment 18 tranquilles pères de famille qui ne s’entrainent jamais et qui jouent péniblement 3 fois par an se transforment le temps d’un week end en véritable gangsters des diamants où l’on vole, on boit, on frappe et on tue mais avec la classe des gentlemen extraordinaires ?
Cette année encore l’histoire le prouva et j’en étais. Si un 6 juin l’Amérique débarqua en Normandie en plein jour et en grandes pompes, les Astros eux préférèrent débarquer discretos dans le limousin un 29 au soir pour se réunir à la tombée de la nuit dans le repère d’un certain Buzz, leur indic local qui après s’être fait durement frappé par nos lascars il y a quelques années de cela avait décidé de rouler sa bosse à leurs côtés. Entre délicieux gâteaux (de sa femme) et deux bouteilles de whisky hors d’âge, car les Astros ne connaissent pas la prohibition, ils mirent au point un plan diabolique, véritable holdup up du siècle : S’emparer par un beau dimanche après-midi de tous les trophées du tournoi de Limoges !
Mais il y a l’art et la manière surtout chez les grands bandits. Prétextant aider Limoges en mal de participants, les Astros presqu’au grand complet allaient fournir au tournoi non pas une mais deux équipes, rêvant ainsi d’une finale historique 100% Astros où nos étoiles glaneraient les deux trophées de la finale, le titre de meilleur joueur de la finale et les forts possibles titres de meilleur batteur et meilleur lanceur du tournoi avec l’un de nos 18 frappeurs et nos 9 lanceurs dont certains master sluggers et master strikers ...
Après l’euphorie de cette nouvelle vint le temps de la réflexion : Pour la première fois de leur existence, les Astros ne joueraient plus ensemble mais s’affronteraient mutuellement. C’est là qu’on découvrit que dans l’Empire Astros chaque force avait son côté obscur et chaque joueur sa doublure. La mienne était un joueur qui venait des contrées celtiques que je n’avais encore jamais vu mais dont tout le monde parle même si lui parle encore plus : Notre star de la radio et de la télé bretonne: Ben Morin. C’est ainsi que deux équipes se formèrent, les deux paraissant l’originale. Se diviser pour mieux régner… L’attaque des clones a commencé.
Si l’Amérique avait eu à se battre nord contre sud, les Astros allaient devoir se battre pile contre face. Ce n’est peut-être pas la même guerre mais elle divisait tout autant. Imperceptiblement les Astros étaient devenus le temps de quelques jets de pièces, une famille de frères ennemis à qui était la meilleure équipe oubliant leurs rivaux. Un mélange de provocation et de respect, notre adversaire étant nous-même, ce qui jetait un voile mystérieux dans le regard du père des Astros qui ne savait s’il devait se réjouir ou s’inquiéter de la séparation de ses fils comme le firent jadis Abel et Caïn !! En bon vétéran du Vietnam, il aurait préféré qu’avec une telle puissance de feu on mette la meilleure équipe sur le terrain et passer tout le tournoi de Limoges au napalm.
Mais la messe était dite pour le meilleur et pour le pire et chacun prit son barda, sa mascotte spatiale, sa batte et son couteau pour rejoindre sa division sur le théâtre des opérations.
Quand les uns se défaisaient allègrement de Brive les autres se débarrassaient d’Angoulême qui vit pour l’occasion le festival d’un de ces personnages de BD… Cobra et son cigare aux lèvres. Après cette belle mise en route les deux équipes étaient en marche pour leur grande finale. Suffisait que chacune gagne le match d’après pour sortir premier de sa poule. Puis les « face » tombèrent face à Périgueux, laissant 9 mercenaires à la merci du plus offrant tandis que les « pile » aux airs de Marmottes sauvaient un match nul contre Bourges avec une équipe plus unie que jamais, luttant méticuleusement à la batte et au lancer pour accéder une année encore aux portes de la finale. Restait un match et le portier était l’équipe locale : Limoges !! En cas de prochaine victoire on serait deuxième ex aequo. La place en finale se jouerait au goal average alors cette fois ci il ne suffisait plus de gagner, mais de massacrer.
Dernier match entre nous, renforcés par les survivants de la mutinerie de la deuxième équipe qui allaient nous coacher sur base avec brio. David et Cyril transformés en stratège. Notre attaque s’enrayant, là on où devait mettre 5 points par manche on arrivait à peine à en mettre 5 en fin de match. Chaque point comptait et il fallait user du bunt, du double, du vol et de tout ce qui nous passait sous la main pour avancer base par base et mettre point par point aussi laborieusement que l’on pouvait, laissant bien souvent nos bases pleines sur le dernier lancer. Une chance qu’on jouait pour le goal average sinon le moindre relâchement nous aurait perdu. Une chance surtout que l’on eut Buzz en lanceur partant, qui face à son ancienne équipe ne faisait pas dans les sentiments, enchaînant les manches vierges et permettant à nos 5 maigres points de suffire à la victoire.
On avait 20 points d’avance au goal average. Suffisant pour y croire mais trop peu pour être confortable vue la puissance de frappe de notre challenger qui devait encore affronter l’équipe la plus faible du tournoi à qui l’on avait mis 20 points et jouer contre cette même équipe de Limoges qui n’avait pas su marquer contre nous. Un match plus tard, notre avance n’était plus que de 10 points !! Dernier game des poules pour notre challenger de la deuxième place, dimanche matin avant la finale…
Mais la nuit porte conseil. Pendant que Youkibon et Bowington quittaient le tournoi après leur excellente prestation tant au lancer qu’au bâton et que Tho adoubait Benji au rang d’Astros, Kas motivait le lanceur de Limoges fier et heureux d’avoir muselé notre attaque pour qu’il fasse de même pour le match du lendemain, évitant ainsi qu’ils mettent leur dernier lanceur frais mais débutant, face à un Périgueux qui le défoncerait à cœur joie… C’est là tout l’art de Kas à coacher les équipes adverses. Alors le lendemain il lança…
Après une nuit reposante où tous ces papas pouvaient profiter d’une petite grasse matinée sans cris d’enfants (et de femmes), on vint tous prendre notre deuxième petit déjeuner dans les gradins afin de soutenir l’équipe de Limoges comme jamais. Il ne fallait pas qu’ils se prennent plus de 10 points sur le score final dans un match où Limoges jouait un David affrontant les Goliath de Périgueux. On était spectateur de notre destin et notre destin commençait mal. Leur lanceur fatigué de la veille venait de se faire relever après avoir pris 5 points en une manche (merci Kas) et pour la dernière, l’heure arrivant à son terme, Limoges mit sur le monticule un mec sorti de nulle part, pas l’inexpérimenté que l’on pensait mais un ancien de nationale resté à l’écart des terrains depuis un temps mais qui était là aujourd’hui. Complètement irrégulier, il savait quand même mettre de gros strikes et aimait jouer avec nos nerfs, éliminant avec dextérité certains frappeurs et se prenant 4 doubles de suite avec un mort au compteur. Notre avance s’étiolait et jouait un dangereux compte à rebours. Trois points d’avance, puis deux et toujours qu’un mort avec quelques doubles qui traversent les champs… Plus qu’un point d’écart mais deux morts avec du monde sur bases. Le frappeur qui vient est crucial, on est debout, tendus comme des slips à couper au couteau, notre salut étant au bout des doigts de ce lanceur inconnu et là… miracle, cet inconnu nous offre une fleur, finissant sur un K pour sortir tête haute et voir Kas sauter au cou de Tho… manquant de lui casser le dos. On est en finale !! Cette année encore sur un finish incertain, les Astros avaient rendez-vous avec leur légende !!
Cette mission réussie par une poignée d’entre nous devenait la victoire de tous. Même à Toulouse on était en liesse, Bowington savourant la nouvelle au chaud dans son salon pour l’anniversaire de son fils. Oui 4 ans, 4 ans qui voulaient dire beaucoup… car les Astros sont nés ce même jour sur le seuil d’une maternité. Happy Robin day !!
Restait la partie la plus kiffante du week end mais la plus ingrate aussi. Mettre la toute puissante équipe sur le terrain. Fusionner les piles et les faces et aligner le meilleur lineup qui saura rendre à nos adversaires la monnaie de leur pièce. Les meilleurs lanceurs avec les meilleurs batteurs, le meilleur infield avec le meilleur outfield. On avait du choix et l’air de rien c’était tout aussi compliqué que de ne pas en avoir. En 1h30 l’équipe sur le terrain ne serait pas remplacée. Il y aura les nominés et les spectateurs. Alors commença les convocations du CODIR, Tho et Kas appelant chaque joueur un par un pour faire leur bilan du week end et leur donner ou non leur ticket pour la finale. Le plus gros casse-tête étant de garder le plus de joueurs de l’équipe qui venait d’accéder à la finale tout en donnant une place dans le lineup aux meilleurs de l’équipe face. La petite finale s’éternisant on avait le temps de constituer notre élite qui irait chercher le trophée tout en s’échauffant des heures durant.
Pour ma part j’étais lanceur partant de la finale, mais un mal de bras lancinant durant tout l’échauffement due à une relève imprévue m’empêchait de m’en enorgueillir hésitant à laisser ma place. Pour faire jouer un joueur de plus malgré mon week end de grâce au bâton, je demande à avoir un DH et en cas de contre-performance je serais relevé par Buzz bras d’acier. En gros si je lançais pas bien dans les 10 premières minutes, je serais le premier spectateur. C’est le privilège des lanceurs ;-( Je tente de demander la place de champs droit ou de deuxième base histoire de ne pas utiliser mon bras et jouer tout le match, en vain et trop d’ego à laisser ma place au monticule je la prends. Suffirait de serrer les dents. Et c’est ainsi que je fus le premier spectateur dès la première manche.
Parmi les autres spectateurs se trouvait Franco. Si l’Amérique avait Kareem Abdu Jabbar, la disco et Fonzi, nous on avait Franco ! On avait Fish aussi sur le banc, notre joueur du soleil levant qui s’était fait harakiri lors du match précédent ainsi que Houlk, le seul joueur de l’équipe pile qui aussi puissant que magnanime et face à la complexité du lineup laissa sa place sur le terrain pour permettre au plus grand nombre de profiter de cette finale. L’équipe finale était ainsi composée de l’équipe « pile » renforcée de quelques « face » comme Alex, notre mid releveur d’Elite au poste d’arrêt court, Vincs, notre meilleur batteur régional au slug infernal en DH puis 3ème base et de Flash Gordon, notre deuxième base éclair, gentleman cambrioleur (mais qui ne vole que des bases), Monsieur Pascal Cauquil.
La petite finale s’arrête, trop longue elle ne nous laisse que 5 minutes d’échauffement et à peine 1h30 de jeu. Sans un mot et tel un seul homme dans les 5 minutes imparties là où d’habitude il nous faut 30 laborieuses minutes, chaque joueur prend sa place sur le terrain, fait sa routine et pendant que fusent les balles en infield, la batterie prend ses marques au bord du terrain en à peine 20 lancers. Kas catcher des grands jours sent le power monter. Il n’est peut-être plus le grand batteur de ses 20 ans qui frappait à l’instinct mais il reste le meilleur catch tout court, plus déterminé que jamais à laisser son marbre inviolable. Le temps semble suspendu comme avant une tempête. Les choses sérieuses viennent de commencer et les équipes spectatrices en place le long du grillage attendent déjà le début de l’ultime combat, celui où les Astros bataillent au firmament.
On commence en défense la batterie prend place sur le monticule et au marbre. 5 lancers pour le play ball. Le bras hurle, les dents se serrent, Kas s’enroule de son aura d’invincibilité, le banc se tait, la défense se place, les gants claquent, les visages se durcissent, les signaux sont pris, les pieds dansent au-dessus de la plaque et le premier strike est lancé… la charge vient de sonner sur le premier batteur qui vient de prendre place. Lui seul face aux légendaires Astros des finales de Limoges. Le reste est une histoire d’hommes. Diminué par un biceps en feu sur le premier jet, quelques strikes plus tard, deux pops qui tombent entre deux joueurs qui se font des politesses et un fiasco défensif, je laisse mon bras et ma place à Buzz après un mort, deux erreurs et 2 points, pour devenir spectateur du plus beau match des Astros de tous les temps.
Une course au score où chaque action se voulait intense. La nonchalance de Vincs laissa place à un gars prêt à s’exploser dans un grillage pour choper un impossible pop en fall ball, Simon se transforma en homme volant pour choper une line drive qui osait taquiner son espace aérien tandis qu’Alex lui, chopant un roulant qu’on croyait déjà passé, dos à défense et back hand, balançait en première un scud à la Derek. Tous ces exploits pourtant échouèrent, manquant le gant d’un centimètre… d’un centième de seconde. Parmi les actions qui réussirent il y avait les séries de strikes de Buzz, le fer de lance de notre défense qui dans sa bulle lançait des missiles commentés sur le banc par un Buzz en plastique prédicateur. Vers l’infini et au-delà et les je viens sauver l’univers du début de manche se transformèrent en je suis touché, je rentre à la base !! Foutu jouet de mauvaises augures, notre Buzz à nous était invincible. Tandis que dans le duggout on tentait de rendre raison à une figurine, sur le terrain le suspens était à son comble dans une finale en bras de fer entre deux équipes à leur apogée.
Une balle est frappée plein champs, Simon la charge et la chope au rebond, un coureur dépasse la 3. Vincs appelle le relai, se saisit de la balle et d’un regard que je n’ai jamais vu aussi déterminé, tourna la tête vers le marbre tout en armant son bras, les yeux rivés sur le coureur qui s’apprêtait à égaliser et dégaina un tir dont lui seul a le secret laissant Kas stopper net le coureur à quelques centimètres du point. Deux morts, un point d’avance et dernière manche. On touchait la victoire du bout des doigts et certains doigts sentaient la poudre.
La phrase du week end vint une fois de plus de l’un des garçons maudits du baseball français. Electrisé par le niveau de jeu auquel on assistait, Franco me regarde ébahi et me dit « c’est dans les grands matches qu’on voit les grands joueurs ». C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que j’étais planqué sur le banc et que j’aurais donné cher pour être sur le terrain. Faire partie de ce mur qui constituait la défense et vivre un instant magique quand nos Astros passaient à la batte et que leurs noms étaient scandés, nos cris rythmés par le bruit de la tôle du duggout et des frappes dans les mains jusqu’au moment où le lanceur entamait sa motion. Une ambiance de stade de 50 000 personnes lors d’une séance de tir au but en coupe du monde là où on était à peine 10 dans un tournoi provençal.
Puis une balle tomba en champs gauche, préférant la douceur de l’herbe au dur cuir d’un gant qu’elle toucha prestement. Deux coureurs en profitaient pour rejoindre leur équipe qui hurlait et sautait d’une joie proche de l’hystérie. Ils venaient de battre les Astros. Ultime passage à la batte pour la gloire, ultimes cris du nom des joueurs et ultimes espoirs envolé sur le dernier pop en une. Le cœur bas mais la tête haute on quittait le terrain sous les cris de joie d’un Périgueux pleurant d’émotion, contrastant avec la consternation de notre duggout que l’on vidait sans tarder. On était si haut... et là plus rien à part le vide d’une finale perdue!! On touchait le soleil et nos ailes ont fondues. La chute faisait mal et la douche qui suivit paraissait bien froide.
La remise des récompenses nous réchauffa le cœur. On a peut-être pas raflé tous les titres mais nous fûmes les plus titrés. Meilleur lanceur et meilleur batteur du tournoi, coupe de finaliste et bouteille de vin pour les presqu’avant derniers, récupérés par un Fish aussi alerte qu’à une cérémonie des Oscars qui aurait pu gagner le titre de meilleur receveur de trophée !!
Périgueux, qui s’est vu remettre la coupe du vainqueur et la coupe de meilleur joueur de la finale fit un petit discours pour cette victoire qui tombait le jour des 7 ans de leur club alors qu’ils n’avaient jamais eu de victoires majeures. Et là cette victoire symbolique était à la hauteur de leurs adversaires… grande et belle ! Nous ne le savions pas mais ce jour était aussi le jour exact des 4 ans de notre histoire…
Pourtant Périgueux sait que les Astros leur ont fait un cadeau pour leur anniversaire et que le sort aurait pu en être autrement quand lors de la remise des trophées, ils s’aperçurent que malgré avoir été mis à mal par l’attaque de leurs adversaires, le meilleur batteur du tournoi était resté sur le banc toute la finale à les regarder jouer. C’est dans les grands choix stratégiques que l’on reconnait les grandes équipes ;-) Je sais it’s just an illusion, mais c’est cadeau… Happy birthday !!